Robert se présente lui-même comme ayant deux passions, l'accordéon et l'Amérique latine. Au vu de sa production cela paraît vrai !
Robert joue de l'accordéon en solo, mais joue aussi des flûtes et des percussions. Il tourne avec son Orchestre Typique, a participé à d'innombrables projets autour de l'accordéon musette, il gère plusieurs expositions sur l'accordéon ou la musique équatorienne, il gère aussi une collection d'instruments, il donne des conférences sur l'accordéon latin et autres merveilles, anime en milieu scolaire, compose et j'en passe… Par épuisement ! Cette suractivité lui a valu (c'est tout chaud !) le prix Gus Viseur, il nous en parlera…
Pour Caruhel, il va évoquer la place de l'accordéon dans la Musique des Andes, et sa toute nouvelle et toute belle galette qui vient à point clôturer notre année latine.



- Ca ne doit pas être de tout repos de nourrir deux passions, tu peux dire comment elles sont nées ?
Robert Santiago : La première va vers " les " musiques d'Amérique latine : c'est par elles que j'ai eu le goût de faire de la musique. C'était à l'époque où les groupes de " musique des Andes " passaient à la radio, j'avais 7 ou 8 ans. Cette passion de gamin ne m'a jamais lâché, malgré des expériences professionnelles dans divers domaines (musette, chanson, conte, théâtre…). J'ai toujours aimé ces musiques, et quand je voyage là bas (le plus souvent possible), c'est toujours dans un but lié à la musique.
L'accordéon, c'est mon deuxième coup de foudre ! j'ai découvert le diatonique à l'âge de 16/17 ans et j'ai d'abord été fasciné par l'objet plutôt que par la musique qu'on faisait avec : je ne me suis jamais vraiment retrouvé dans le folk, alors j'ai très vite essayé de reproduire sur mon accordéon la musique que je jouais déjà sur mes quenas, zampoñas et charangos !

- Tu pratiques l'accordéon diatonique. Qu'est-ce que tu aimes dans cet instrument ? (par rapport au chromatique par exemple).
Robert Santiago : L'accordéon diatonique est l'instrument de ma génération et du milieu culturel dans lequel je l'ai découvert. Il ne me serait pas venu à l'esprit de jouer du chromatique, jugé à l'époque comme le comble du ringard … je crois que nous manquions de maturité et de connaissance par rapport à ce merveilleux instrument. J'aime le diatonique pour son côté rebelle, son timbre franc, son faible encombrement, et pour les surprises qu'il m'apporte chaque jour ! Mais quand on me demande conseil sur le choix d'un modèle, je dirige les gens vers le chromatique qui possède deux grandes qualités : des claviers logiques, et un enseignement unifié.

Avec toutes tes activités combien de temps passes-tu par jour à pratiquer ton instrument ?
Robert Santiago : Tout dépend du travail en cours, mais j'essaie de toucher à l'instrument un peu chaque jour. Avec le temps, je rationalise mon travail de l'instrument, j'y pense avant de commencer ! mais quand je compose, je peux jouer pendant des heures sans m'arrêter.

- Tu as créé un style de diatonique qui mélange le riff, l'accompagnement rythmique, le solo, etc. quels sont tes modèles en accordéon, les musiciens qui t'inspirent ou t'ont inspiré ?
Robert Santiago : C'est vrai que je pense avoir un style assez personnel construit à partir du travail de diverses formes musicales, et dont certains traits viennent de quelques pointures que j'ai beaucoup écouté. Jean Blanchard et son album chez Arfolk au tout début, puis Narciso Martinez (diatonique tex-mex), Dino Saluzzi (bandonéoniste argentin), Steve Jordan (déjanté texan), les colombien(ne)s Anibal Velasquez, Graciela Ceballos , Egidio Cuadrado… les brésiliens Luiz Gonzaga, Dominguinhos, Abdias … mais j'ai aussi puisé mon inspiration dans d'autres instruments : la harpe, les flûtes, les guitares, la marimba et les fanfares.

- Ton nouveau CD est basé principalement sur des compos (de toi ou d'autres), quel rapport entretiens-tu avec la musique traditionnelle ?
Robert Santiago : La seule musique traditionnelle que je pratique est le musette, derrière mon jase (batterie ancienne), et il y a longtemps que je ne pratique plus de musique trad d'Amérique du Sud : j'ai passé l'age de jouer aux indiens !

- Bien que tu changes pas mal de style de musique dans ce CD il y a malgré tout une grande cohérence d'ambiance, à quoi c'est dû ?
Robert Santiago : Merci beaucoup, je prends la réflexion comme un compliment ! J'ai voulu faire une évocation personnelle de l'ambiance sud-américaine telle que je la ressens quand je voyage là-bas. La cohérence que tu ressens vient du fait que nous avons su, je crois, trouver un ton personnel et unitaire pour refléter ce " sentimiento " sud-américain. En plus, l'enregistrement a été réalisé sur un temps assez court par un ingénieur virtuose, Mathieu Pion, qui a apporté sa propre touche à l'ensemble. Son mixage est très homogène, preuve que c'est un ingénieur de goût !

- Comment abordes-tu la mise en place d'un nouveau morceau avec ton Orchestre Typique ?
Robert Santiago : En général j'apporte le thème à l'accordéon. Nous écrivons la grille et nous faisons tourner, partie par partie. S'il s'agit d'une forme nouvelle pour les musiciens, je donne des directives afin de caler la rythmique. De plus en plus, j'apporte une partition que je réalise seul : ça facilite grandement la mise en place.

- Tes musiciens sont-ils aussi des spécialistes de cette musique ?
Robert Santiago : Absolument pas, et c'est ça qui m'intéresse. Si je jouais avec des gens déjà rompus aux musiques sud-américaines, je n'arriverais pas à faire sonner l'orchestre d'une manière aussi personnelle. Je demande à mes musiciens de se couler dans les divers styles que je leur propose, mais en restant eux-mêmes, en apportant leur vécu et leur savoir faire … et comme nous ne jouons pas de la musique traditionnelle, nous avons toutes les libertés … nous ne somme pas du tout tenus de respecter quelconque tradition qui, de toute façon, ne nous appartiendrait pas !!!

- Tu as obtenu le prix Gus Viseur, explique ce prix de quand il date, qui l'a déjà obtenu, qui le décerne, etc.
Robert Santiago : A partir de 2004, ce prix sera décerné tous les ans au Salon Musicora de Paris à des musiciens, des éditeurs, des écrivains, des chercheurs, des luthiers … en récompense de leur travail en faveur de l'accordéon. Cette année, autour de Philippe Krümm et la revue " Accordéon & Accordéonistes ", le jury, constitué de journalistes, de musiciens et de luthiers, était présidé par Sansévérino. Pour moi ce prix est une reconnaissance et aussi un encouragement à continuer dans le travail de réhabilitation de l'accordéon que je mène depuis bientôt 20 ans, tant en expositions itinérantes qu'en animations scolaires et grand public, en conférences… cette année, outre mon prix pour mon " enthousiasme et mon travail de réhabilitation de l'instrument ", Didier Roussin en a reçu un à titre posthume, et David Venitucci a été couronné du grand prix.

- Quels sont tes projets ?
Robert Santiago : As-tu encore 3 heures à me consacrer ? Des projets, j'en ai à revendre ! le prochain c'est de rendre sur scène l'ambiance dégagée dans l'album. Il nous faut passer par une phase de création, avec l'Orchestre au complet et Mathieu à la console…ce sera pour la rentrée.

Entretien avec Yann Dour paru dans " La Feuille " N° 43 mai-juin 2004.