Musicien professionnel depuis plus de 20 ans, Robert Santiago est accordéoniste, chanteur et multi-instrumentiste

La musique de Robert Santiago concilie ses deux passions que sont l'accordéon et la musique sud américaine. Etonnant nous direz-vous ? Pas tant lorsqu'on croise le personnage : Robert Santiago a un caractère bien trempé, une passion sans limite pour la musique et une bonne dose de jovialité, de quoi justifier de son talent et de son succès. Rencontre avec un artiste engageant et engagé.


L'aria : Comment êtes-vous tombé dans la musique ?
Robert Santiago : Par hasard et très tôt. J'ai commencé la musique quand j'étais gamin, par envie, par curiosité, par facilité. Je dis par facilité car la musique me semblait évidente, allant de soi. Les quelques cours de piano que j'ai pris était catastrophiques : j'avais hâte de faire et lassé de regarder faire. Alors je me suis fabriqué des instruments, j'exploitais les objets domestiques pour en sortir des sons, je faisais du bruit avec tout. Ma première découverte fut avec la flûte à bec de mon frère… et j'ai vite emprunté les disques de mon autre frère. Je ne viens pas spécialement d'une famille de musiciens mais nous étions tous plus ou moins mélomanes.

L'aria : Pourquoi avoir pris pour passion les musiques d'Amérique du Sud ?
Robert Santiago : Là aussi un peu par hasard… Mon frère écoutait beaucoup cette musique, tout simplement parce qu'elle était à la mode. A l'époque, c'était le tout début de ce qu'on appelle aujourd'hui les musiques du monde, notamment avec les premiers disques de chez Arion. Et puis je me souviens d'un jingle de France Inter, juste avant la météo… je suis convaincu que ces quelques notes de musiques latines ont permis de faire connaître au plus grand nombre la musique sud américaine et je trouve ça vraiment bien.

L'aria : Comment passe-t-on d'une passion à la professionnalisation ?
Robert Santiago : C'est venu tout naturellement, tout simplement parce que je ne me voyais pas faire autre chose. Ça a commencé au collège où l'un de mes profs m'avait confié un Club de musiques sud américaines. J'animais des cours de Quena, Zampona, Tarka et on y a même enregistré un disque, AmaLlaquichu. Puis j'ai rejoins un groupe de musique andine, Los Chasquis, et j'ai réalisé en parallèle des animations scolaires. Mais si c'est venu naturellement, ça n'a vraiment pas été évident de vivre de mon métier. J'ai joué dans la rue pour boucler les fins de mois, je n'ai pas toujours mangé à ma faim, et c'est pour ça aujourd'hui que je revendique mon métier d'artiste : c'est vraiment une prise de risque de tous les jours, et mieux vaut s'armer d'une bonne dose de courage.

L'aria : Pourquoi avoir voulu concilier accordéon et musiques d'Amérique du Sud ?
Robert Santiago : Accordéon et musiques d'Amérique du sud sont vraiment mes deux passions ; j'ai voulu exploiter les possibilités de mon instrument de prédilection avec les notes latines. Ça demande beaucoup de travail, beaucoup d'écoute. J'ai étudié les techniques utilisées par les autres instruments, la percussion entre autres. Et puis j'ai appris assez tardivement que finalement l'accordéon se trouve aussi en Amérique latine, même si c'est le bandonéon qui domine. On le retrouve beaucoup dans le tango… mais ce n'est pas le genre de musique sud-américaine que je préfère. C'est une musique peut-être un peu trop écrite pour moi et je préfère quand la musique me laisse le choix dans les sentiments.

L'aria : Parlez-nous de votre album "El Camaleón"…
Robert Santiago : Je pense que je peux dire sans me tromper que c'est un album vraiment mûri ! J'avais "El Camaleón" en moi depuis de nombreuses années. L'idée d'enregistrer un CD n'est pas nouvelle, puisqu'elle avait germé à l'époque où le guitariste Didier Roussin jouait dans l'Orchestre Typique. Didier m'a fait rentrer dans Paris-Musette, un collectif de musiciens issus du musette, du jazz et de la variété qui, grâce à des disques, des tournées, des concerts, a vraiment remis le genre au goût du jour. Puis Didier est décédé en 1996 … Il m'a fallu du temps pour m'en remettre. Et ce n'est qu'en 1999 que l'Orchestre Typique a pris un nouveau tournant avec l'arrivée du pianiste Vincent Viala (je n'ai jamais pu reprendre de guitariste…). Et c'est avec Eric L'Heudé aux percussions, François Lalange à la contrebasse, Vincent Viala au piano et moi même à l'accordéon, au cuatro et au chant solo, que le groupe "Robert Santiago & son Orchestre Typique" a continué à travailler régulièrement. Sorti en début d'année, l'album fixe tout le travail fourni depuis 99 et reflète ce que l'on fait sur scène, avec néanmoins quelques ajouts.

L'aria : Qui sont "ces ajouts" ?
Robert Santiago : On a eu la chance, grâce à une aide de l'Adami et surtout grâce à une autre de la Région Centre, de pouvoir s'offrir le luxe de convier des invités : les 4 chanteuses du Quartet Buccal et le couple biniou-bombarde celtique Baron & Anneix. Nous avons eu aussi le bonheur de travailler avec Mathieu Pion comme ingénieur du son, qui a su enregistrer notre musique en respectant les timbres originaux des voix et des instruments, et qui a apporté sa contribution artistique en mixant des sons que j'avais récoltés dans les rues d'Amérique latine lors de mes voyages… Et puis surtout le disque dispose d'une bonne post-production : des attachés de presse se chargent de faire connaître "El Camaleón", c'est indispensable pour réussir à obtenir une audience au niveau national !

L'aria : Comment voyez-vous l'avenir ?
Robert Santiago : Sombre… je parle de mon métier, pas de la musique : dans ce domaine, je vais continuer mes expositions d'accordéons, mes animations autour de l'instrument et bien sûr les concerts avec l'Orchestre Typique. Je vais continuer à travailler avec Mathieu Pion pour donner un prolongement sur scène aux innovations apportées dans "El Camaleón", afin de donner une nouvelle dimension à notre travail. Non, ce qui m'inquiète, c'est la reconnaissance mon métier, mon statut d'artiste. J'ai envie de continuer à vivre de cette musique, je ne veux pas être marginalisé… et c'est pourtant ce qui se dessine avec le nouveau statut sur l'intermittence. Pourtant, quand on fait un concert, le public sait qu'on fait un vrai métier. Il y a donc un vrai fossé entre la réalité et la politique que mène le gouvernement. Et puis cette situation à terme nous ne laissera plus le choix : ça sera la télé ou le Zénith. Ça va faire un sacré vide, ça va rendre les gens malheureux… et vraiment, je n'ai pas envie de ça.

Robert Santiago et son orchestre typique, "El Camaleón", Buda Musique (dist. Mélodie) - janvier 2004 - Réf.: 822922 -
Album aidé par l'ADAMI et la Région Centre.
Le disque a été labellisé disque "Latina" et a fait partie de la playliste de " C'est Lenoir " sur France Inter.
L'aria a soutenu le premier album de Robert Santiago pour sa promotion et sa communication.